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«Nous ne mangeons que des dattes pourries, il n’y a plus rien…»

évacuation irak

Ils ont fui les localités de Raqqa, Fallouja ou Manbij tenues par l’Etat islamique. Joints par «Libération», les civils racontent leur calvaire.

La présence de dizaines de milliers de civils dans les places fortes de l’Etat islamique attaquées ces derniers jours ralentit les opérations militaires en Irak comme en Syrie. Pris comme boucliers humains par les jihadistes, les habitants sont interdits de quitter leur territoire. Certains ont réussi à fuir ces derniers jours au péril de leur vie. Ils témoignent de l’invivable. A Fallouja, la faim menace davantage que la guerre, si l’on en croit les rescapés du camp de réfugiés d’Ameriyat al-Fallouja, installé à 20 km au sud de la ville et qui accueille 18 000 réfugiés. «Mako… mako…» («y a pas» en dialecte irakien), répète ainsi au téléphone Karima Qasim. «Ni nourriture, ni habits, rien… Cela fait des années que nous ne mangeons que des dattes pourries. Il n’y a plus rien dans Fallouja !»

La mère de famille a fait plusieurs étapes à pied avec ses trois enfants de 8, 7 et 4 ans, avant d’arriver dans le camp. «On attendait la nuit, puis on avançait de ruelle en ruelle pour ne pas être vus par les hommes de Daech, qui tirent sur ceux qu’ils voient fuir. La journée, on restait cachés dans les maisons, puis on reprenait la route le soir.» Plutôt que son enfer d’hier, Karima veut raconter son soulagement d’aujourd’hui : «Ici, nous avons enfin à manger et les enfants sont chaussés. Ça faisait longtemps qu’ils marchaient pieds nus.» Elle s’inquiète pour tous ceux restés à Fallouja, autour de 90 000, selon l’ONU. Retenus par l’Etat islamique dans la ville, certains craignent aussi les exactions des milices chiites qui participent à l’attaque de Fallouja. Karima l’assure : «Ils sont tous contre nous. Personne ne tient compte des civils et tous s’attaquent à eux.»

«Raids aériens»

Dans la localité syrienne de Manbij, à une cinquantaine de kilomètres au nord-est d’Alep, les jihadistes de l’EI qui bloquaient toutes les sorties de la ville depuis quinze jours ont adopté une autre stratégie. «Dans la nuit de lundi à mardi, à l’heure du souhour [le repas précédant le jeûne, ndlr], ils ont autorisé les gens à quitter la ville pour se protéger des raids aériens. Mais à condition de partir uniquement vers d’autres localités contrôlées par Daech», raconte Najib. Ce père de cinq enfants a réussi à rejoindre la ville d’Al-Bab, elle aussi contrôlée par l’Etat islamique, à mi-chemin entre Alep et Manbij. «On s’est retrouvés mardi matin à la sortie à l’ouest de la ville avec des milliers de familles, raconte-t-il par téléphone. Les jours précédents, on sentait les dangers approcher, mais c’était plutôt calme à l’intérieur de la ville.» L’Etat islamique avait imposé un black-out. «Les télévisions ne marchaient plus puisque les paraboles ont été interdites juste avant le ramadan. Les liaisons internet et les réseaux téléphoniques ont été coupés.» C’est en arrivant à Al-Bab qu’il a appris que Manbij était attaqué par les forces kurdes de trois côtés. «J’étais vraiment étonné, dit Nabil, les hommes de Daech n’avaient pas l’air de se préparer militairement à défendre Manbij.»

Intermédiaires

Nul relâchement à Raqqa en revanche, où l’EI a imposé depuis plusieurs mois des mesures draconiennes en prévision d’une attaque de son bastion syrien. Malgré l’interdiction de sortir de la ville, certains habitants parviennent à déjouer les contrôles et à acheter des intermédiaires pour partir. Oum Majed a ainsi réussi à rejoindre Killis, dans le sud de la Turquie, avec sa fille après un long, coûteux et périlleux périple. «La vie était devenue insoutenable, les bombardements aériens incessants, comme les exactions des gens de Daech», dit la quadragénaire. L’élément déclencheur de son départ ? «L’exécution du fils de ma cousine, accusé d’être un agent de la coalition. Il avait 16 ans.»

Oum Majed a payé 500 000 livres (800 euros) au passeur pour les conduire de Raqqa jusqu’à Azaz, à la frontière syro-turque, au nord d’Alep. «Il m’a donné la carte d’identité de sa femme pour justifier qu’il m’accompagne. Il a prétendu devant les hommes qui tiennent le barrage que nous allions voir de la famille à Al-Bab.» Les cinq derniers kilomètres avant Azaz se sont faits à pied à travers champs pour éviter les contrôles. Puis, «après plusieurs tentatives ratées et des escroqueries, un passeur a accepté de nous accompagner contre 300 dollars [269 euros] par personne. Nous avons dû nous coucher dans les champs de blé pour ne pas être repérés par les gendarmes turcs, qui tirent sur ceux qui passent la frontière.» Oum Majed et sa fille ont eu de la chance. «J’ai appris hier que certains barrages de l’Armée syrienne libre refoulaient les gens de peur qu’il y ait parmi eux des membres de Daech.»

Oum Bachir, elle, a quitté Raqqa il y a quelques semaines en direction des zones contrôlées par le régime. Elle se trouve maintenant à Hama, chez sa sœur, où on a pu la joindre par Skype. Elle raconte : «J’étais déterminée à ne pas quitter Raqqa, mais la hausse des prix de tous les produits, les taxes nouvelles imposées tous les jours par Daech, ajoutées aux bombardements aériens et à la crainte que les Kurdes envahissent la ville et commettent des exactions, comme ils l’ont fait à Tall Abyad l’an dernier, ont fini par me convaincre.»

«Enrôlés de force»

Elle est partie avec sa belle-fille et sa petite-fille, avec pour seul bagage de l’argent liquide et des papiers d’identité. Le prix de l’exil : 350 dollars par personne. «On a passé une quinzaine de jours dans le désert vers la frontière irakienne, puis jordanienne jusqu’à Soueïda [capitale de la montagne druze en Syrie]. On s’est retrouvées dans un camp de transit à la périphérie de la ville. Les chabihas [sbires du régime syrien] arrêtaient et maltraitaient les hommes. Ils les frappaient devant leur famille en les traitant de Dawaech [membres de Daech] Elle l’assure : «Il est beaucoup plus difficile pour les hommes de partir. Ils sont soit enrôlés de force par Daech ou arrêtés, ou touchés par les raids aériens.»

 

Libération

Daech perd le contrôle de son axe vers la Turquie

combat syrie

Une importante bataille a été gagnée ce week-end par les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition kurdo-arabe, qui a ravi au groupe djihadiste de l’Etat islamique (EI, Daech) le contrôle de la dernière route principale qui relie son fief de Raqqa à la ville de Jarabolous, à la frontière turque.

Les FDS sont soutenues dans cette opération par des forces spéciales américaines, au niveau du commandement seulement selon Washington.

La coalition dominée militairement par les Kurdes de Syrie, venue de l’est, a ainsi largement dépassé l’Euphrate, qu’il y a quelques mois encore Ankara considérait comme une « ligne rouge » à ne pas franchir. Elle s’est emparée de 36 villages et fermes en s’avançant vers la ville de Minbej. Dans l’un de ces villages, celui de Khirbet Rouss, ses combattants ont libéré six femmes et 16 enfants yézidis qui avaient été capturés en 2014 par l’EI en Irak.

Selon l’agence de presse syrienne kurde ARA, l’offensive est menée par un « Conseil militaire de Minbej », ce que confirme sur Twitter le colonel américain Chris Garver, qui affirme que « 2 000 syriens arabes » sont à la pointe de l’assaut.

Les Kurdes et les Etats-Unis veulent éviter toute confrontation avec le gouvernement Erdogan qui considère que l’offensive vise à créer un Kurdistan au nord de la Syrie qui s’alliera, au bout du compte, avec le PKK turc.

Le dernier poste-frontière

La prise de contrôle de la route vers Jarabalous signifie que Daech n’a plus accès par une voie goudronnée à la Turquie, ce qui l’empêche de faire transiter par là des hommes, des armes et des marchandises.

Jarabolous est le dernier poste-frontière contrôlé par l’Etat islamique. Il est fermé par l’armée turque qui a été la cible de plusieurs obus de l’EI, mais le marché noir continue, comme sur une bonne partie de la frontière syrio-turque et cela, depuis la nuit des temps.

Vers Raqqa, tout un symbole

De son côté, l’armée syrienne s’avance à l’ouest, soutenue par des frappes de l’aviation russe. Dans un mouvement de tenaille, elle affirme vouloir joindre la ville de Tabqa, avant de joindre Raqqa.

Damas voit d’un mauvais œil l’offensive kurde sur son territoire, de plus avec le soutien des Américains. Mais ils sont devenus des alliés objectifs dans la lutte contre l’Etat islamique, où s’épaulent Washington et Moscou.

Sans avertissement, Daech est attaqué sur plusieurs fronts. Au nord de Raqqa, les mêmes Forces démocratiques syriennes (FDS) descendent lentement vers son fief. En Irak, l’armée irakienne et des milices chiites ont pris d’assaut la ville de Falloudja.

La chute de Raqqa aurait une grande portée symbolique car c’est là que l’EI a établi sa capitale officieuse en juin 2013, là aussi, dans sa banlieue, qu’ont été décidés les attentats de Paris et de Bruxelles, selon la justice belge.

La police religieuse de l’EI, la al-Hisba, était sur le qui-vive ce weekend à Raqqa, menaçant d’exécution immédiate toute personne répandant des « rumeurs » sur les offensives en cours, affirmait dimanche l’OSDH citant ses activistes sur place.

 

La Libre

Irak: échapper à Daech

 daech générique 01

L’étau se resserre autour de l’etat islamique, les populations tentent d’échapper à la terreur. Les fuyards racontent les conditions de vie dans les villes occupées par Daech

La lune et les lumières de la ligne de front, tenue conjointement par l’armée irakienne et les forces kurdes, les ont aidés à se repérer dans ce no man’s land truffé de mines antipersonnel. Derrière, à un peu plus de 3 kilomètres, leurs villages sont aux mains de Daech. Pour fuir, ils se sont entassés dans une fourgonnette qu’ils ont dû abandonner sur un chemin de terre. Ils continuent à pied. Quatre heures de marche pour oublier deux années d’oppression. Que risquent-ils ? « La mort », explique l’un d’eux, Mohammad, en nous montrant sur son téléphone portable les photos de cadavres noircis par le soleil, que les familles n’ont pas pu récupérer.

Les djihadistes ne l’ont pas voulu. C’était avant, quand l’Etat islamique (EI) regorgeait d’argent. Aujourd’hui, les guerriers de Daech découvrent le souci de la rentabilité : ces tentatives de fuite sont devenues une source de revenus. « Une femme peut être relâchée pour 2 000 dollars », poursuit Mohammad. Mais pour les hommes, c’est toujours la décapitation. Cette nuit, ils sont arrivés à 29 personnes. Après une fouille rapide et un contrôle d’identité, ils sont emmenés à la mosquée de Doogrdkan. Depuis que les derniers combats en ont fait l’une des positions les plus avancées sur le front, le village est désert. Mossoul, 2 millions d’habitants, la plus grosse prise de guerre des djihadistes, n’est qu’à 56 kilomètres au nord.

Les évadés sortent leurs téléphones portables et appellent enfin les proches à qui ils n’avaient pas le droit de parler, parce qu’ils étaient du mauvais côté de la « frontière ». Les peshmergas leur ont distribué des galettes de pain, quelques légumes et du riz. Salma, 6 ans, demande aux militaires : « Il y a des magasins par ici ? » Sheima et Aïfa, deux sœurs, font tomber la partie de voile qui dissimulait le bas de leur visage. Mohammad, leur cousin, sort de sa poche un paquet de cigarettes à moitié écrasé. « Avec Daech, explique-t-il, il faut passer par le trafc, et le paquet coûte 3 000 dinars, quatre fois le prix normal. » Il aspire la fumée avec délectation : « Là-bas, tu ne fumes que chez toi. Sinon, ça peut te coûter un doigt… au sens propre ! Une main pour les voleurs, un doigt pour les fumeurs. » Bien avant que n’apparaisse la ligne de front, une autre « frontière » existait ici, invisible. Telle une ancienne plaie qui ne cesse de s’infecter, elle séparait Arabes sunnites, chiites et Kurdes. Le colonel Adham Banani, un Kurde commandant de la 14e  brigade peshmerga, l’avoue avec une sincérité rare : « J’ai des a priori contre les Arabes… Ils ont tué plusieurs membres de ma famille, ma mère a trop pleuré à cause d’eux. »

Cette dernière année, les djihadistes ont perdu 40 % de leur territoire

Né en Irak il y a trente-cinq ans, le colonel Adham a grandi au Kurdistan iranien. Sa famille avait fui les persécutions du régime de Saddam. A 5 ans, pendant la guerre Iran-Irak, il est grièvement blessé par les obus que tire l’armée de son propre pays. Il en rejoindra pourtant les rangs en 2003, après l’invasion américaine. Il travaillera sept ans sous le commandement américain, puis quatre dans l’armée irakienne autonome, avant de rallier les peshmergas. « Je suis conscient qu’il faut changer d’état d’esprit pour que tout cela s’arrête, dit-il. Alors, quand ces familles arabes arrivent, je parle avec elles comme pour leur dire : “Aidez-moi à vous aimer un peu plus.” Si le Kurdistan irakien est vraiment une démocratie, il devra intégrer les Arabes. » Mais tous n’ont pas ses scrupules. Dans le nord de l’Irak, certains peshmergas, associés à des milices kurdes, ont rasé ou réduit en cendres les villages repris à Daech. Ils exerçaient leurs représailles contre les populations arabes, accusées d’avoir soutenu le mouvement, et voulaient les empêcher de revenir.

Des exactions dénoncées, le 20 janvier dernier, dans un rapport très documenté d’Amnesty International. Lorsque Daech, presque sans combattre, a pris la ville de Mossoul et ses environs, en juin 2014, Mohammad et sa famille ont choisi de rester. Les djihadistes  bénéficiaient alors d’un ancrage local très fort, ainsi que du soutien d’anciens officiers de Saddam Hussein mis sur la touche par les Américains. Parfois, une poignée d’hommes suffit à tenir tout un village. Les Arabes sunnites sont usés par les discriminations des huit années de pouvoir chiite. Ils voient d’abord en Daech un retour possible à l’ordre et à la sécurité. Ancien assistant médical dans l’armée de Saddam, Mohammad, révoqué après l’invasion américaine, admet s’être réjoui quand Daech est entré dans son village. « Tout plutôt que les chiites », disait-il alors.

Tout… mais, finalement, pas ce régime de terreur ! Depuis plusieurs semaines, les raids aériens se sont intensifiés. Abou Omar Al-Chichani, un Tchétchène à la barbe rousse, l’un des principaux responsables militaires de Daech, a été abattu en mars. Puis Abou Shahib Al-Jabouri, également connu sous le nom d’Abou Seif, membre du conseil de guerre des djihadistes, a été tué au cours d’une opération au sol menée par les forces spéciales américaines et kurdes. Plus le mouvement est aux abois, plus l’étau se resserre sur les populations civiles. « Le principe de base   des islamistes, explique Mohammad, c’est de couper l’électricité à ceux qui ne les soutiennent pas assez. » Le 5 mars dernier, les paraboles ont été interdites, mais pas supprimées. Daech veut cacher ses défaites. « Ils passaient dans les maisons à l’improviste pour surprendre ceux qui regardaient la télé, raconte Mohammad. Puis, la semaine dernière, ils sont venus avec de la peinture noire : au lieu de casser les téléviseurs, ils ont préféré barbouiller les écrans. Ainsi, ils pouvaient revenir et voir si, intrigués par le son, nous avions cédé à la tentation de gratter la peinture… Ça maintient la pression ! »

« Chaque jour, poursuit Mohammad, le mouvement s’affaiblit. Avant, quand un combattant était tué, ils faisaient de grandes funérailles. Maintenant, pour ne pas casser le moral du groupe, ils ne disent rien et ne préviennent même plus la famille. » Le colonel Adham confirme : lorsque sa brigade est revenue dans le village de Kadila, où elle s’était battue un mois plus tôt, « les dépouilles des djihadistes étaient toujours là ». Mohammad affirme que Daech « redoute la prochaine offensive vers Mossoul. Ils ont peur que les peshmergas et l’armée irakienne ne passent le Tigre ». Cette dernière année, en Irak, Daech a perdu 40 % de son territoire, rendant plus difficiles les déplacements de combattants entre les fronts de Mossoul, en Irak, et de Raqqa, en Syrie. Sur la même période, la solde des djihadistes aurait baissé de moitié et les revenus de l’organisation, de 30 %. En paralysant ses principaux centres d’extraction de pétrole, les frappes aériennes de la coalition auraient fait passer le nombre de barils de 33 000 à 21 000 par jour. Le 11 janvier dernier, le centre financier de Daech, près de Mossoul, a été pulvérisé : des millions de dollars partis en fumée. Selon l’institut IHS Jane’s, les recettes mensuelles de l’organisation étaient en mars 2016 de 56 millions de dollars, soit une chute de 24 millions en une année. Mohammad, Sheima et sa sœur Aïfa décrivent l’ampleur d’un système de racket généralisé qui, désormais, affecte tous les aspects de la vie quotidienne. A l’extérieur, les femmes doivent porter trois voiles superposés. Une obligation inédite !

« Tu ne vois strictement rien, explique Sheima. Et si tes voiles ne sont pas assez longs, c’est 50 000 dinars (45 euros environ) payables immédiatement, plus 200 dollars pour certifier que tu ne recommenceras pas. Ou alors, 30 coups de fouet… » Bien sûr, la plupart préfèrent l’amende au châtiment corporel. Les deux sœurs décrivent les brimades des brigades féminines baptisées « Husba ». « Au bazar, raconte Aïfa, elles soulèvent les abayas pour vérifier qu’en dessous les femmes ne portent aucun vêtement de couleur… Vous voyez ce manteau marron foncé ? Interdit ! Ce pull en laine à motifs léopard ? Interdit aussi, alors que personne ne le voit ! Il ne faut porter que du noir. » Parce qu’ils ont trouvé son pistolet, Mohammad a dû vendre tout ce qu’il possédait, quelques bijoux, pour verser les 2 000 dollars réclamés. « Et toutes ces “taxes”, dit-il, dépendent de l’humeur de celui qui dirige. Il n’y a aucune justice, c’est la loi du plus fort .» Tous les trois se plaignent surtout des « étrangers » : « Les Saoudiens, les Syriens et les Tchétchènes ont pris le pouvoir et ne nous considèrent pas comme leurs égaux, explique Mohammad. On ne peut plus avoir de cérémonies à la mosquée, même pas des funérailles, si l’on n’est pas membre de Daech.» « Si tu épouses un Tchétchène, tu as tous les droits, renchérit Sheima. Même celui de ne porter qu’un léger voile ! »

« Ces “taxes” dépendent de l’humeur du plus fort. Il n’y a aucune justice »

La nuit qui a suivi la fuite de Mohammad et ses proches, ce sont trois jeunes hommes qui ont franchi le no man’s land. Parmi eux, Jamal, 18 ans, signalé comme « recherché ». Son oncle et ses cousins se battent dans les rangs de Daech, sur le front syrien. Jamal a ramené sa jeune épouse chez ses parents puis a fui avec Ahmad et Omar, des cousins. Les peshmergas l’attendent. Une source en territoire ennemi les surveillait. « Les drones, les écoutes, la surveillance aérienne ne remplacent pas le renseignement humain », explique le général Hogar, 47 ans, qui a passé des années dans cette zone. « Je connais la plupart des combattants de Daech, dit-il. Je peux presque dire en temps réel dans quelles maisons ils se trouvent. En ce moment, ils changent tous les jours de quartier général. Les vieux réseaux de solidarité persistent envers et contre tout. » Les informateurs sont partout, mais pas toujours à l’abri. La veille, le général Hogar a appris qu’une de ses sources les plus précieuses avait été arrêtée. L’homme venait de faire partir sa femme et sa flle de 16 ans. Jamal et Ahmad ont encore le poil court et clairsemé de leur âge. Ils connaissent déjà le tarif. « Si tu coupes ta barbe, c’est 20 000 dinars, ou deux jours de cellule et entre 17 et 20 coups de fouet », explique Jamal.

Ce sont des jeunes désœuvrés, comme eux, que Daech envoie se faire sauter dans des opérations suicides. Avant, Jamal travaillait dans le cabinet vétérinaire de son oncle, à Mossoul. Ahmed, lui, était en première année de français à l’université. Aujourd’hui, il peine à se rappeler les quelques mots qui lui restent de la langue de Molière. Dans un effort visible, il finit par nous lancer : « J’aime le service militaire. » Depuis deux ans, l’esprit des Lumières a déserté la prestigieuse faculté de Mossoul, transformée en centre de recherche spécialisé, notamment, dans la fabrication d’explosifs. L’oncle de Jamal a dû fermer son cabinet et les deux cousins sont rentrés au village. Avec son tee-shirt du Galatasaray, le célèbre club d’Istanbul, et son air légèrement provocateur, Jamal a tout de l’adolescent frondeur. Pressé de questions par un officier peshmerga, il évoque lui aussi les Saoudiens et les Syriens qui ont occupé les plus belles maisons de son village et « tué beaucoup de gens ». Il cite les noms de combattants qu’il connaît, pour certains, depuis l’enfance. Jamal, passant la main sous son pantalon de jogging, sort le portefeuille et le téléphone mobile dissimulés dans son slip. A priori, le téléphone aussi est interdit. Mais tout le monde en a… « Les djihadistes utilisent les réseaux Asiacell et Jawal, explique-t-il. S’ils te trouvent avec une carte Sim de l’opérateur national, Korek, tu es considéré comme un espion et directement fusillé. »

Jamal explique comment les châtiments varient. « Pour espionnage, c’est l’exécution par balles. Pour adultère, c’est selon que l’homme et la femme sont célibataires ou mariés. Dans le premier cas, ils sont enterrés vivants. Dans l’autre, lapidés.» Jamal et Ahmad sont partis « à cause des mauvais traitements, bien sûr », mais aussi parce qu’ils en avaient « marre de ne rien faire ». Pourtant, deux de leurs amis, qui voulaient en faire autant, ont sauté sur une mine. Un autre a été exécuté. Daech revendique le titre d’« Etat » mais ne réussit pas à imposer le contrôle absolu des grands systèmes totalitaires. « Administrativement, ils restent faibles », explique le colonel Adham, qui espère que d’anciens partisans de Saddam pourraient se retourner et laisser tomber les islamistes. Pour la réconciliation et la paix, on verra plus tard. S’ils ont réussi leur pari, Jamal et Ahmad ne sont pas libres pour autant. Les Kurdes les soupçonnent d’être plus impliqués dans l’organisation djihadiste qu’ils ne veulent bien l’avouer. Ils seront interrogés par les Asayish, les services de renseignement kurdes. Jamal n’a aucune vision de l’avenir. Ahmad, lui, explique qu’il veut rejoindre « une milice sunnite ». Mais pas entrer dans l’armée irakienne. « Parce que, dit-il, il y a trop de  chiites. »

 

Paris Match

Syrie : Daesh crucifie et exécute 4 personnes à Raqqa

crucifixion

Des images terrifiantes montrent des djihadistes de Daesh qui crucifient puis tirent sur quatre hommes dans une rue de Raqqa, alors que le groupe souffre de lourdes pertes dans la ville syrienne.

Ces djihadistes assoiffés de sang ont publié une série de photographies macabre dévoilant la crucifixion et l’exécution de 4 hommes à Raqqa. Les viles images montrent des hommes attachés à des poteaux par les combattants de Daesh en milieu de journée dans la capitale syrienne du groupe terroriste. Deux des photographies montrent ensuite, au milieu d’une rue animée,  des djihadistes vêtus de cagoules pointant une arme à feu sur la tête de leurs prisonniers aux yeux bandés.

Les meurtres ont eu lieu alors que Daesh souffrait de lourdes pertes au nord de la ville, avec les forces démocratiques syriennes kurdes gagnant significativement du terrain, et largement soutenues par les frappes aériennes américaines.

La semaine dernière, il a été affirmé que Daesh avait tué 15 de ses membres dans la plus grande exécution des services de sécurité du groupe jusqu’à présent, en Syrie.

Les meurtres suivent l’arrestation de 35 membres de Raqqa ce week-end, selon l’observatoire syrien des droits de l’Homme, qui surveille le conflit syrien par l’intermédiaire d’un réseau de sources sur le terrain.

Les membres ont été tués dans le cadre de l’assassinat d’une des figures principales de Daesh Abu Hija al-Tunisi, mort mercredi dans un raid aérien.

Pendant ce temps, les forces gouvernementales et leurs alliés sont entrés dans la deuxième ville centrale contrôlée par Daesh.

La télévision d’Etat a déclaré que les troupes syriennes et les combattants pro-gouvernementaux ont poussé jusque dans Quaryatain près de Homs dans le week-end, après plusieurs jours d’affrontements intenses en dehors de la ville avec des extrémistes de Daesh.

L’observatoire syrien des droits de l’Homme a reporté que les troupes sont entrées dans la ville par le sud et par le nord, sous couvert des frappes aériennes russes et syriennes.

La progression intervient une semaine après la reprise de Palmyre par les forces syriennes.

Daesh a souffert de majeures défaites en Syrie ces derniers mois au milieu des intenses frappes aériennes russes.

Le commandement de l’armée syrienne a déclaré que les troupes avaient « restauré la sécurité et la stabilité à Quaryatain et les terrains alentour ».

Daily Mail

15 membres exécutés, trahison au sein de Daesh?

daeshexecution15membres

Daesh a exécuté 15 de ses membres des services de sécurité dans son à Raqqa en Syrie.

C’est OSDH (observatoire Syrien des droits de l’Homme) qui a rapporté l’information : le soi-disant État Islamique aurait tué 15 de ses membres.

Ces meurtres ont fait suite à l’arrestation de 35 membres de Daesh samedi à Raqqa.

Tous ces membres ont été tués dans le cadre de l’assassinat du haut responsable Abu Hija al- Tunisi, qui est mort mercredi dans un raid aérien…

Alalam news

« Ils en savent plus sur le fonctionnement d’Internet et des jeux vidéo que sur le Coran »

daesh film

Abdelasiem El Difraoui, a gagné de nombreux prix internationaux pour ses reportages et documentaires, notamment pour Le Siège de Bagdad, qu’il a réalisé, et pour Tahrir 2011, qu’il a coproduit. Il a conseillé le gouvernement allemand en matière de politique étrangère et est actuellement senior fellow à l’Institut de recherches sur la politique des médias et de la communication de Berlin. Sa thèse, dirigée par Gilles Kepel, a paru sous le titre Al Qaida par l’image. La prophétie du martyre (PUF, 2013) .

Quelque chose qui frappe d’emblée, ce sont les moyens qui sont déployés par Daech dans sa propagande : vidéos travaillées, organes de presse, utilisation intense des réseaux sociaux… Comment Daech organise-t-il sa propagande, quels sont ses moyens ?
Abdelasiem El Difraoui : Pourquoi s’étonne-t-on que ces mouvements djihadistes aient des moyens de production à leur disposition ?  Ils en savent plus sur le fonctionnement d’Internet et des jeux vidéo que sur le Coran  Parce que l’on n’a pas assez analysé ce phénomène. Depuis 30 ans, ces gensqui sont des professionnels de la communication ont tout essayé, ils ont leurs théoriciens médias, ils ont extrêmement réfléchi à ce qu’ils voulaient faire, à la narration qu’ils veulent construire, notamment à travers l’image et des codes visuels empruntés aux symboles de l’islam. Aujourd’hui, Daech a le grand avantage de bénéficier de tous les outils de la révolution 2.0, des réseaux sociaux. Par ailleurs, le prix des caméras HD et de l’ensemble du matériel a tellement chuté que faire une vidéo, un film d’horreur très spectaculaire va leur revenir à 5 000 ou 6 000 euros, c’est-à-dire rien. Ils ont également du personnel très formé, leurs propagandistes sont vraiment des digital natives des enfants de l’âge numérique, des réseaux sociaux, du rap, nés dans cet univers et qui connaissent toutes les productions d’Hollywood, notamment ce qui a été produit de pire. Ils en savent plus sur le fonctionnement d’Internet et des jeux vidéo que sur le Coran.
Ils ont également dans leurs rangs des théoriciens des médias, un département médias, qui, combinés avec leur moyens techniques, aboutissent à un mélange très explosif qui nous inquiète énormément quand on voit ce qu’ils sont capables de produire comme matériel de propagande…
 
 
De nombreux articles de presse évoquent les publications de Daech (comme Dabiq), mais Al Qaida, déjà, avait des publications destinées à un public non arabophone, comme Inspire fabrique au Yémen par un Américain. Donc, peut-on dire que ce qui se passe aujourd’hui correspond davantage à un changement de degré qu’à un changement de nature dans la communication djihadiste ?
Abdelasiem El Difraoui : Oui, c’est un changement de degré, mais il se passe plusieurs choses. L’émergence des réseaux sociaux les a aidés, au début surtout, à construire une communication très diffuse, très décentralisée mais, à côté de ça, ils ont aussi une communication très centralisée. Ils ont des unités médias dans chaque district qu’ils administrent. Nous ne voyons qu’une infime partie de leurs productions car ils en réalisent énormément en direction des populations locales, ce que nos médias ne nous montrent pas. Aujourd’hui, ils recentralisent leur communication, il ne faut pas qu’elle se répande de façon incontrôlée parce qu’ils ont très peur des conséquences sécuritaires : tous ces jeunes qui ont tweeté, facebooké se sont rendus, souvent, géolocalisables. Leur message est une construction. Dabiq, ou Dar-Al-Islam par exemple (diffusés sur Internet), comme toute leur communication, reprend le symbolisme d’Al-Qaida et des organisations antérieures, ils l’ont remis au goût du jour, adapté à une jeunesse européenne mais aussi à une jeunesse arabe, donc à une jeunesse de plus en plus globalisée. Dans Dabiq, et c’est très intéressant, on trouve des hommages à Ben Laden, qu’ils revendiquent, afin de concurrencer et d’embêter Al-Qaida.
Ces gens-là ont toujours utilisé la technologie dernier cri, les derniers effets spéciaux. Aujourd’hui, les caméras, les logiciels de montage sont devenus grand public, ce qui les aide énormément.
A-t-on une idée du nombre de personnes qui travaillent dans les médias ou la communication de Daech ?
Abdelasiem El Difraoui : Au moins quelques centaines. Déjà au niveau central, ils sont entre trente et quarante. Après, il y a tous ces gens que l’on ne voit pas, qui, dans chaque ville, s’occupent de l’information locale, à Mossoul, à Raqqa, etc.
Cette production locale a-t-elle un contenu très différent ? À quels objectifs répond-elle ?
Abdelasiem El Difraoui :  Nous ne voyons en Occident qu’une infime partie de ce qu’ils produisent  On voit déjà cela dans la revue Dabiq. Ils veulent montrer qu’ils sont capables d’assurer le ravitaillement des populations qu’ils contrôlent, ils montrent que les cliniques fonctionnent, que les différents services, comme le ramassage des ordures sont assurés, etc. Mais ce n’est souvent pas vrai. En même temps, il y a aussi les exécutions au niveau local décrétées par leurs tribunaux pour terroriser. Cela concerne des gens très ciblés localement dont, en Occident, nous n’entendrons pas forcément parler. Ils montrent également des aspects qu’ils estiment très « positifs » : comment sont distribués les stylos dans les écoles, les prêches d’un imam local de Daech… Nous ne voyons en Occident qu’une infime partie de ce qu’ils produisent vraiment.
Cela marque-t-il une rupture par rapport à Al-Qaida ? Vous expliquez dans votre livre qu’Al-Qaida en Mésopotamie, le prédécesseur de l’État islamique, à commencer à filmer des actions humanitaires auprès de la population mais que ce type de contenu disparaît au profit de vidéos d’attentats et d’exécutions…
Abdelasiem El Difraoui : Il faut être conscient que l’« État islamique » était encore affilié à Al-Qaida en 2006. Mais il y avait déjà à l’époque une controverse au sein d’Al-Quaida sur le fait de montrer ou non l’ultra violence. Il me semble important de le rappeler aujourd’hui.
Peut-on déjà faire un bilan de ce que nous avons compris de cette propagande ?
Abdelasiem El Difraoui : Si l’on veut poser les bases d’un travail de contre-propagande et de prévention, il faut une analyse et un décodage approfondi de cette propagande.
Cela nécessite des bases de données centralisées auxquelles des chercheurs puissent avoir accès. Et le moment viendra où toutes ces images intéresseront réellement les historiens.
Les Norvégiens sont les premiers à avoir constitué une base de données de ce type, à l’Institut norvégien de recherche sur la Défense (FFI), à Oslo. On trouve aussi des compagnies commerciales aux États-Unis, comme l’Intel Center, mais si l’on ne veut pas être dépendants d’eux, il faudrait archiver ces documents pour les générations à venir comme on l’a fait pour le nazisme. La France devrait mettre en place une banque de données de ce type, cela nous donnerait, au fil du temps, une clé de compréhension inédite.
 La propagande djihadiste est la première propagande qui a utilisé Internet à grande échelle pour la mobilisation  Ce qui est aussi important à retenir, c’est que la propagande djihadiste est la première propagande qui a utilisé Internet à grande échelle pour la mobilisation. Il y a certes eu les altermondialistes, mais si on regarde cela historiquement, ce sont vraiment les djihadistes qui ont exploité, plus que n’importe quel homme ou mouvement politique en Occident, toutes les possibilités du web 2.0. Si l’on applique la théorie de la mobilisation des ressources asymétriques (avec très peu de moyens, on crée un impact énorme), c’est cela qu’ils ont réussi à faire et c’est vraiment impressionnant.
Vous avez évoqué tout à l’heure les débats qu’il y avait eu sur la méga violence au sein d’Al-Qaida. Pourriez-vous revenir dessus ?
Abdelasiem El Difraoui : Le chef d’Al-Qaida actuellement, qui était à l’époque le chef adjoint, de Ben Laden, l’égyptien Ayman al-Zawahiri, a écrit une lettre au fondateur de l’État islamique en Irak, Abou Moussab Al-Zarqaoui – surnommé le Boucher de Bagdad –, pour lui enjoindre de cesser les exécutions atroces, car il pensait que cela allait créer des réactions de rejet parmi les sympathisants potentiels.
Il faut noter que cette ultra violence pornographique a une durée de vie très courte. Une fois que vous avez brûlé vif quelqu’un, une fois que vous avez coupé un certain nombre de têtes, le choc créé par ces images s’émousse, et « l’audimat » chute une fois que vous avez franchi un certain seuil. Les jeunes ne vont pas regarder 500 fois de suite ce genre de vidéos contenant des exécutions horribles.
Il faut aussi rappeler que ces gens-là se situent et réfléchissent à l’échelle d’un temps très long. Ils ont très bien compris que le temps des médias européens ou mondiaux est un temps très court. Par exemple, après les attentats de novembre 2015 à Paris, ils ont diffusé leurs revendications deux semaines après, à un moment où l’actualité mondiale était très faible.
 Ils ont des archives de folie sur toutes nos productions qui les concernent  Et contrairement à l’Ina (Institut national de l’audiovisuel), qui ne conserve pas les films djihadistes, eux ont des archives de folie sur toutes nos productions qui les concernent.
Par exemple, Al-Qaida a réalisé un film en 2005 sur le 11 septembre 2001, Razzia sur Manhattan, qui dure 1 heure et demie, qui est extrêmement bien documenté avec tous les pirates de l’air du 11 septembre. Ils ont pris des extraits de très vieilles interviews des chaînes américaines ou même des extraits d’un film que j’ai fait sur Ben Laden[+]. Ils pratiquent une veille média extrêmement poussée, qu’on a du mal à imaginer. Ils conservent et archivent tout ce qui se dit sur eux. Ils le regardent attentivement et savent s’en resservir pour leur propagande.
Quels sont les principaux objectifs de la propagande de Daech ?
Abdelasiem El Difraoui : Il existe plusieurs niveaux d’objectifs. Premièrement, des objectifs de propagande classique : assurer le financement, le recrutement, semer la peur, etc.

Mais il existe d’autres niveaux. Je pense qu’ils sont convaincus qu’ils vont rentrer dans une sorte de cosmologie ou de mythologie de l’islam. C’est, pour eux, une façon de s’immortaliser, d’écrire un grand récit, une épopée à la Star Wars, car tout cela, c’est une mise en scène avec déguisements. On peut très bien imaginer tous ces types en jean et tee-shirt, ou en costard, ou avec des costumes traditionnels. Ils essaient de créer leur grand récit et d’entrer ainsi dans le grand récit de l’islam, de créer une épopée, une saga. Ils mettent en scène leur mythe du salut qui se joue en deux fois. La première fois, leurs déguisements signifient : regardez-nous, nous sommes la vraie communauté des croyants, à l’exemple du Prophète, nous sommes les seuls vrais musulmans et si vous venez chez nous, tous vos péchés seront oubliés et si, en plus, vous vous faites exploser au combat ou lors d’une attaque suicide, vous allez rentrer au paradis avant les autres musulmans qui attendront, eux, le jour du jugement dernier…

Quels sont les codes les plus importants des contenus médiatiques qui sont produits par Daech ?
Abdelasiem El Difraoui :  Qui est aujourd’hui le plus célèbre, le logo de Daech ou celui de Coca-Cola ?  Déjà, certains codes vestimentaires instaurés par Al-Qaida. Ensuite, des codes qui leur sont propres : leur logo, qui est en fait le sceau du Prophète, est d’une puissance extraordinaire. On peut se poser la question : qui est aujourd’hui le plus célèbre, le logo de Daech ou celui de Coca-Cola ? Hier, à France 2, j’étais invité à participer à un débat avec les journalistes et les responsables de différentes émissions, et j’ai préconisé de ne plus montrer le logo de Daech qui est en fait un détournement total, un vol, puisque ce symbole appartient à l’islam tout entier. Et quand on le voit aujourd’hui, on ne pense pas « sceau du Prophète », on pense : c’est le logo de Daech. Donc, il ne faudrait plus le montrer. C’est un détournement extrêmement efficace.
Ce qui demande une capacité d’analyse de ces détournements…
Abdelasiem El Difraoui: En effet, et lors de ce débat, personne ne savait que le logo de Daech était en réalité le sceau du Prophète volé par Daech…
Quel est le théoricien ou l’idéologue qui influence la stratégie médiatique de Daech ?
 
Abdelasiem El Difraoui : Au niveau de la propagande, on cite toujours Abou Moussab Al-Souri, mais on peut se demander si de nouveaux théoriciens propagandistes ne sont pas à la manœuvre. C’est encore Al-Souri qui est de plus en plus cité par la presse française. Ce dernier dit qu’il faudrait créer une matrice du djihad et ne pas tout centraliser ni tout hiérarchiser. Son but est de créer une matrice qui peut être reprise par le plus grand nombre possible, stratégie qui s’adapte très bien au web 2.0.
On peut aussi citer Abou Bakr Naji[+], dont je parle dans mon livre. Lui aussi a élaboré une théorie politique et une théorie des médias. Sa théorie politique préconise de créer le chaos total, son livre — publié sur Internet en 2004 — s’appelle d’ailleurs La Gestion de la barbarie. Son idée est la suivante : il faut créer un état de barbarie totale car les gens vont se tourner vers les djihadistes pour être protégés, ce qui va leur permettre d’enraciner un État islamique. Au niveau des médias, il préconise de détruire ce qu’il appelle le « halo médiatique mensonger » qui met en scène la soi-disant omnipuissance des États-Unis et leurs alliés, car  les Américains et les Européens ne sont pas si forts : ce sont les films hollywoodiens qui donnent cette impression de force exagérée, qui font peur aux masses musulmanes comme aux masses opprimées dans le monde. En parvenant à démontrer cette illusion médiatique, il espère obtenir plus de soutiens. Daech retourne donc les codes hollywoodiens en médiatisant son ultra violence pour montrer à quel point l’Occident est faible.
Et qu’ils sont capables de faire mieux qu’ Hollywood…
Abdelasiem El Difraoui :  Ces gens qui, normalement détestent les images, les ont retournées contre l’Occident  En effet, ils veulent montrer qu’ils sont capables de faire plus fort, mais en organisant de vrais « spectacles » pour terroriser. Ce qui était déjà une partie de l’idée des attentats du 11 septembre 2001. La philosophe Marie-José Mondzain, dans son L’Image peut-elle tuer ?[+], parle de façon très brillante de la façon dont ces gens qui, normalement détestent l’image, les ont retournées contre l’Occident.
Comment expliquez-vous ce paradoxe, alors qu’ils se prétendent ultra-orthodoxes ?
Abdelasiem El Difraoui : Parce que le djihad permet tout. Il est le sixième pilier de l’islam et, donc, ils considèrent que l’on peut tout faire pour parvenir à ses fins, mentir, boire, se déguiser, nier sa foi, tuer des innocents, utiliser les images… C’est bien pour cela qu’on les appelle djihadistes, en fait….
Comment se positionnent les autres médias par rapport aux productions médiatiques de Daech, notamment les médias arabes, comme Al Jazeera ?
 
Abdelasiem El Difraoui : Je pense que c’est fluctuant. Au début de l’insurrection syrienne, les Qataris était complètement contre Assad, c’est à dire en partie pro-djihadistes mais pas forcément pro-Daech — plutôt pro Al_Nusra ; aujourd’hui je ne sais pas. Je pense qu’ils n’ont plus vraiment intérêt à soutenir les djihadistes, mais il y a des enjeux géopolitiques de premier ordre pour les Saoudiens, à savoir contrer les Iraniens présents en Syrie avec tous les moyens, en même temps il y a eu aussi attaques djihadistes très violentes sur leur propre sol.
 La grande question, c’est le positionnement de nos médias  La grande question, c’est le positionnement de nos médias. À chaque nouvelle vidéo de menaces, les médias en font état et s’y attardent, alors que l’analyse de leur stratégie est très peu faite et surtout, on se laisse envahir par leurs images. Or, si l’on regarde les dernières images de nos voisins du sud de la Méditerranée, elles donnent à voir soit les réfugiés, soit Daech et rien d’autre. On ne voit rien de la culture arabe, des jeunes Arabes qui résistent, des activistes démocrates qui existent encore en Tunisie et en Égypte. On ne voit que la terreur et les réfugiés. Cela créé des polarisations et des clivages énormes. On n’aperçoit même plus nos voisins du Sud comme des êtres humains, on ne partage plus rien avec eux. On est complètement dominés par ces représentations qui peuvent, à terme, avoir des conséquences horribles.
Quelle image de l’Occident Daech diffuse-t-il dans les territoires qu’il domine ?
Abdelasiem El Difraoui :  Ils nous connaissent beaucoup mieux que nous ne les connaissons  leur propagande est axée sur une conspiration mondiale contre les musulmans. Daech vise plusieurs cibles : les régimes « apostats » arabes, les chiites qu’ils appellent les hérétiques, l’Iran, l’Occident, les Juifs, en fait tout le monde sauf eux. Il paraît qu’ils ont interdit les antennes satellitaires, parce qu’ils en ont très peur… Encore une fois, ils nous connaissent beaucoup mieux que nous ne les connaissons. Ils connaissent bien nos médias. Ils savent très bien comment ils fonctionnent. La télévision est le média le plus important dans le monde arabe : chaque foyer qui a un minimum d’argent, même les pauvres, ont des antennes satellitaires, ils sont scotchés devant, donc ils savent très bien à quoi ça ressemble.
Trouvez-vous que l’on diffuse trop ces images, leurs images, dans les médias ?
Abdelasiem El Difraoui : Absolument, et il faut arrêter. Par exemple, ce film sorti très récemment, Salafistes[+],c’est une catastrophe totale, c’est de la propagande pure pour Daech.
Vous seriez partisan que ce ne soit pas diffusé au cinéma ?
Abdelasiem El Difraoui : Non, mais l’interdiction à 18 ans me convient[+]… Mais ce film ne donne aucune clé de lecture et colle exactement à leur discours ! Il ne décrypte rien, c’est inadmissible ! C’est un très mauvais film à la base, mal monté. Il donne la parole à des djihadistes et les laisse parler, sans rien critiquer, au nom de l’islam. On voit les djihadistes dire : « On tue parce que c’est la charia », mais personne ne vous explique ce qu’est la charia. Personne ne sait ce qu’est la charia !
J’ai fait un film qui a été diffusé par Arte en 2008, intitulé Le Langage d’Al-Qaida, où tout est contextualisé. Mais dans Salafistes, il n’y a aucune explication. Imaginez, dans les années 1930, un documentaire dans lequel on montrerait dix nazis sans aucun commentaire, en France. On ne comprendrait pas ce qu’est le nazisme, mais on aurait relayé le discours nazi tout au long du film …
Vous estimez que les États-Unis, concernant Daech mais même à l’époque d’Al Qaida, ont pris assez tôt conscience de l’importance de la propagande par l’image, mais que les Européens, eux, ont pris du retard…
Abdelasiem El Difraoui :  La France a pris un énorme retard  La France, particulièrement, a pris un énorme retard. Pourquoi n’a-t-elle pas de banque de données ? Les Allemands ont, par exemple à Berlin, un centre de veille pour tout ce qui se passe sur Internet.  Les renseignements ont des chercheurs qui peuvent intervenir publiquement. Les efforts de contre-propagande — terme que je n’aime pas, je préfère parler de contre-récit ou de récit alternatif — sont encore  très pauvres, sans parler de leur ton. « Stop djihadisme », lancé par le gouvernement, etc., c’est quand même trop souvent une blague. Vous avez vu leur tweet « Arrivée à Raqqa, aussitôt veuve, enceinte, elle cherche depuis à se faire sauter » ? (ce tweet a depuis été corrigé).
Ça ne va pas très loin notre effort de contre discours.
Il faut vraiment mettre quelque chose en face. Il faut proposer des images positives de ce qui se passe dans le sud de la Méditerranée, chez nos voisins. Il faut élaborer des discours alternatifs très forts et subtils. Il faut dire, en effet, que la discrimination existe en France comme en Allemagne mais qu’un jeune a beaucoup plus de chances de s’en sortir ici que nulle part ailleurs. Il faut contrer la propagande djihadiste avec des arguments très très laïcs. Il faut réfuter leur idéologie. Il y a visiblement un manque de volonté politique pour réellement le faire.
Combien de chercheurs aujourd’hui travaillent, comme vous, sur ces sujets en Europe et en France ?
Abdelasiem El Difraoui : En Europe, je dirai peut-être une trentaine, une quarantaine de chercheurs et un certain nombre de jeunes étudiants veulent s’engager dans ce type de recherche. Quant à moi, je travaille depuis 30 ans sur le djihadisme, mais je ne veux pas devenir « djihadologue » pour le restant de mes jours.
En Europe, les Norvégiens font un excellent travail, notamment le Centre de recherche de la défense norvégienne qui a des chercheuses et des chercheurs très brillants. L’un d’eux, Petter Nesser, vientdesortir un énorme livre sur le djihadisme européen. Ils ont, en outre, constitué une banque de données des films qu’ils mettent à jour et qui comporte des milliers de films.
Le problème de l’Allemagne, c’est que cette recherche est trop éclatée. Les gens sont dans des universités à 500 km les uns des autres et les réseaux européens sont encore très faibles. Il existe une unité de recherche à l’université de Dublin qui s’occupe beaucoup, avec un centre londonien, de la propagande sur Internet. Ils ont obtenu 2 ou 3 millions d’euros de l’Union européenne, mais en France, nous n’avons pas réussi à mettre ça en place, ou trop peu, car le monde universitaire se bagarre en permanence.
Comment vous qualifieriez les limites de la propagande de Daech ?
Abdelasiem El Difraoui : Ils ont réellement très peu de choses à proposer de positif. Certaines personnes sont peut-être contentes de vivre sous Daech, parce que leur façon d’appliquer la charia a créé une certaine forme de stabilité. Comme en Afghanistan, ou dans d’autres régions, il vaut mieux avoir une mauvaise loi, certes, et soi-disant divine, mais appliquée avec des règles identifiables plutôt qu’un arbitraire total. À part ça, cette relative stabilité dans un monde qui a connu le chaos, ils ont très peu de choses à proposer.
Pour un sunnite en Irak, il est parfois mieux de vivre sous Daech parce les règles sont claires. Daech ne commet pas de vexations permanentes contre les sunnites, par exemple. C’était pareil sous les talibans en Afghanistan. Au lieu de se faire taxer arbitrairement à chaque barrage, d’être rançonné par tel ou tel groupe, mieux valait l’ordre taliban. Daech fait alors valoir qu’il a rendu la région plus stable, plus sûre, qu’il n’y a pas de vols, qu’il existe une certaine démocratisation économique. Par exemple, le commerce du pétrole était vraiment aux mains du régime en Syrie, et là, il y a plein de petits entrepreneurs qui se mettent artisanalement à faire du raffinage dans leur cour. Donc, une partie de la population en tire bénéfice. Ceci dit, ils n’ont pas de projet sociétal à proposer. Même le califat, personne n’a défini ce que cela voulait dire réellement. De même, ils n’ont pas de projet économique. Le pire c’est qu’il n’y a pas de projet au sens culturel. Ils ne créent rien. Les gens là-bas adorent la musique, la poésie, faire la fête… mais ils n’en ont plus le droit.
Leur préoccupation est avant tout eschatologique ?
Abdelasiem El Difraoui : Oui, eschatologique et un calcul géopolitique mais aucun projet culturel, scientifique ou de société.
 Ils ont pris en otage l’imagerie collective de l’islam  Leur propagande se contente de dire : on va restaurer la gloire de l’islam des premières années et ils mettent ça en scène avec leurs mascarades et leurs costumes, avec le calife tout vêtu de noir, etc. Ils font appel à une symbolique du paradis perdu, de l’âge d’or perdu. Ils ont vraiment pris en otage l’imagerie collective de l’islam. Ils utilisent le mythe fondateur de toute une culture.
Leur propagande est aussi très axée sur la théorie du complot. Il y a, selon eux, un complot mondial contre l’islam etc. Ils réactivent des blessures très réelles et très profondes infligées par les Européens. Par exemple, la première guerre aérienne dans cette partie du globe a eu lieu en Irak sous mandat britannique dans les années 1920 : des bombardements massifs des tribus chiites dans le sud. Aujourd’hui, on ne va pas bombarder Bachar el-Assad, mais on bombarde la population vivant dans les territoires syriens contrôlés par Daech. De même, Saddam Hussein a été longtemps armé par des gouvernements européens et américains, etc. Cela crée des sentiments d’injustice qui peuvent être très facilement détournés. Daech exploite très bien tout ça.
L’Éducation nationale aurait un rôle à jouer pour expliquer cela aux jeunes Français ?
Abdelasiem El Difraoui :  Ils ont peur du Front national  Évidemment, et elle le ne fait pas. Je trouve inadmissible que, dans les écoles, on n’explique pas ce qu’est le djihadisme, on n’explique pas non plus ce qu’est la grande culture arabo-musulmane, quels sont les liens entre les trois grands monothéismes, ce que l’Occident a appris des Arabes au niveau de la médecine, des mathématiques, de la philosophie, etc. Et ça, c’est essentiel parce que Daech ne veut pas entendre parler de ce genre de choses, mais alors pas du tout. Et hélas, cela ne se fera probablement pas, car nous sommes en France dans une année pré-électorale et que l’optique est complètement sécuritaire. Tout ce qui relève de la prévention est délégué à des hauts fonctionnaires qui peuvent servir de fusibles et pensent à leur propre carrière. Résultat, c’est l’immobilité  car ils ont peur du Front national. C’est en tout cas l’analyse que font certaines personnes, qui travaillent là-dedans et sont un peu critiques.
Vous récusez le terme de contre-propagande. Comment faudrait-il appeler cela, selon vous ?
Abdelasiem El Difraoui :  Il faut des récits qui doivent contrer et démasquer leur propagande, leur bêtise affligeante  Je parlerais plutôt de récit alternatif. Il faut des récits qui doivent contrer et démasquer leur propagande, leur bêtise affligeante, leurs détournements. Mais, ensuite, il faut construire des récits alternatifs. Il ne faut pas se positionner toujours contre, il faut dire « regardez, il existe toutes ces autres choses-là ».
 On leur donne un temps d’antenne démesuré, et c’est tomber dans leur piège  Dans cet échange que nous avions, Marie-José Mondzain, moi et les journalistes de France 2, l’un d’eux nous a demandé : « Vous avez une nouvelle vidéo de menace signée Daech, qu’est-ce que vous en faites ? Notre réponse a été : « Ne la montrez surtout pas, mais parlez de la menace  pour ensuite très vite contextualiser et expliquer les réalités dans les théâtres du djihad». Chaque fois qu’il y a une actualité tragique, montrez aussi la culture qui existe, la vie de ces personnes. Par exemple, sur les réseaux sociaux on trouve une vidéo qui s’est diffusée viralement, réalisée par trois jeunes Syriens et Libanais réfugiés dans un pays scandinave : ils ont fait une chanson sur la beauté de leur culture, d’autres vidéos parlent de gens qui ont créé un orphelinat, etc. Alors qu’il y a des milliers de choses positives qui se passent encore dans ces pays, on donne la parole à Daech ! On leur donne un temps d’antenne complètement démesuré, et c’est tomber dans leur piège. La presse et l’Assemblée se mobilisent pendant 2 mois sur la déchéance de nationalité, qui ne servira a rien, et pendant ce temps on ne fait rien.
 C’est très dangereux de mettre tous ces gars ensemble, ça fait Djihad Académie  Il est urgent de mobiliser de manière positive ! Regardez les centres de déradicalisation, annoncés par Manuel Valls : c’est juste un effet d’annonce et c’est très dangereux de mettre tous ces gars ensemble, ça fait un peu « Djihad Académie ». Ils vont faire ça quelque part dans le centre de la France, en Creuse, en commençant apparemment la matinée avec levée des couleurs, c’est aberrant… Tout ça pour dire qu’il est capital de comprendre tous les aspects de la radicalisation, parce que le djihadisme va continuer.
INA GLOBAL

Les difficultés économiques obligent Daech à exécuter 200 prisonniers à Mossoul et à Raqqa

daesh execution

Daech a pris le contrôle des champs pétroliers et gaziers ainsi que des rivières et des barrages. Si ce contrôle avait été exercé par le plus petit pays européen, une force économique aurait sans doute vu le jour.
Cependant, les ambitions personnelles de chaque combattant de Daech a permis la dissipation de cette richesse uniquement contrôlée par les leaders de l’organisation. Daech a refusé au peuple les nécessités de la vie, au point que même les fruits sont devenus un rêve aux personnes qui vivent sous le contrôle du groupe. En achetant deux genres de fruits, une personne passera tout le reste de son mois incapable de s’acheter du pain.
Daech prive le peuple des nécessités de la vie mais aussi de la vie tout court. De nombreux prisonniers sont détenus depuis plus de trois ans sans motifs et sans intention d’être relâchés. Ces détenus sont utilisés comme boucliers humains ou comme des ‘banques de sang’ pour les besoins en transfusion des blessés et des chefs de Daech.
132 détenus ont été exécutés à Mossoul le 5 mars dernier dans le cimetière de Wadi Iqab à l’est de la ville. Ces exécutions ont été décidées après que la cour de charia de Mossoul ait ordonné une accélération du rythme des peines de mort.

Une source au sein de Daech à Mossoul a confié à ‘Sound and Picture’ que la décision a été prise en raison des coûts qu’engendrent les prisonniers à l’organisation (soins médicaux, nourriture …).
Cette même source a souligné que, celui qui se fait appeler Abu Maryam Al Ambari, un des chefs de la sécurité de Mossoul a également ordonné l’exécution de plus de 150 détenus. D’abord parce qu’ils « n’étaient plus utile en tant que banque de sang » et ensuite pour effrayer la population au moment où Daech ne cesse d’enregistrer des défaites ces derniers mois.
A Raqqa, en Syrie, la situation est identique. Les responsables de la sécurité ont fait exécuter plus de 68 personnes qui étaient emprisonnées depuis plus de deux ans. Ces exécutions se sont déroulées dans le village de Safsafa (Sud ouest de Raqqa). Il ne semble pas qu’il y ait eu un ordre de la cour de Charia pour ces exécutions.
Comme à Mossoul, ces exécutions ont des motifs économiques. Un de mes cousins m’a parlé de l’exécution des 68 prisonniers à Safsafa, confie un membre de Daech à ‘Sound and Picture’. Ils ont l’intention d’exécuter 50 prisonniers de plus d’ici la fin du mois pour réduire les dépenses ».

Il est en outre important de noter que Daech a réduit les salaires de ses membres et a cessé les distributions gratuites de vivres pour ses membres mariés. Les difficultés financières de Daech sont accentuées par les déserteurs qui quittent l’organisation avec des fonds dont ils avaient la charge au sein de l’organisation.

Sound and Picture

L’incroyable reportage en caméra cachée de deux Syriennes à Raqqa, «capitale» de Daech

video illustration

Fusils d’assaut, police religieuse et absence totale de liberté : la chaîne suédoise Expressen TV a mis en ligne ce témoignage unique réalisé par deux femmes.

Pour avoir délivré ce témoignage incroyable au monde entier, elles risquent la mort par lapidation. Mais ce qu’elles souhaitent est simple: «Nous voulons que le monde sache, en espérant qu’un jour, nous serons libres». Deux Syriennes – Om Omran et Om Mohammad – ont filmé au péril de leur vie le quotidien des habitants de Raqqa, fief de l’État islamique en Syrie. Diffusée lundi par le média suédois Expressen TV, la vidéo de plus de 13 minutes et entrecoupée par des images de propagande aurait été tournée cet hiver.

Munies des caméras cachées sous leur niqab, arrivées depuis la Suède en Syrie grâce à la contrebande, les deux femmes ont ainsi sillonné leur ville détruite, ont fait leurs courses ou pris un taxi tout en évoquant les conditions dans lesquelles elles évoluent chaque jour. «Tout le monde est parti depuis que les raids aériens sur Raqqa se sont intensifiés», expliquent-elles, y compris les terroristes. «Les combattants étrangers de Daech ont établi des postes de contrôle. Certains demandent leurs papiers d’identité aux Syriens afin de fuir vers la Turquie».

En entrant chez un marchand pour acheter des produits de coloration pour cheveux, on découvre que les visages sur les boîtes ont été raturés. «C’est un niqab», se justifie, en rigolant, le vendeur. En effet, du fait de la charia, toutes les femmes doivent désormais recouvrir entièrement leurs corps et sont privées de leurs droits sous peine de lapidation à mort. «Toutes les femmes aiment montrer leur visage. Nous ne pouvons plus le faire, nous avons perdu notre féminité», déplore Om Mohammad.

Dans le taxi, point de musique mais un prêche. Dans la rue, des hommes armés marchent sans être inquiétés alors que les femmes n’ont pas le droit de sortir seules. Les deux Syriennes, dont les voix ont été modifiées, expliquent également avoir assisté à des scènes atroces comme la fois où un homosexuel a été jeté du haut d’un immeuble ou encore lors de l’exécution et la décapitation d’un homme dans ce qui était autrefois la mosquée Uwais al-Qarni, un important lieu de culte pour les musulmans chiites. «Je me suis rendu compte qu’il y avait un homme assis par terre. Les bourreaux étaient alignés autour de lui, tous habillés de noir», se souvient Om Mohammad.

Arrivées dans les quartiers anciennement occupés par des bourgeois, les deux femmes expliquent qu’aujourd’hui, «ce sont des gens du Kazakhstan, d’Afghanistan, d’Arabie Saoudite ou encore des Européens comme des Français», qui habitent les plus belles maisons et les appartements les plus spacieux.

Le Figaro / 7sur7

Des opposants à daesh filment la vie à Raqqa

Des opposants à l’Etat islamique ont filmé des scènes de la vie quotidienne à Raqqa, la capitale autoproclamée de l’Etat islamique, ainsi que leurs actions de résistance.

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Ce sont des images rares de la vie à Raqqa que diffuse Skynews. Elles ont été tournées à des dates inconnues par des activistes opposés à l’Etat islamique au coeur du fief de Daech en Syrie. Ce groupe, « Raqqa Is Being Slaughtered Silently », montre à travers ces vidéos comment la population de Raqqa vit sous le joug des djihadistes. Elles témoignent aussi de l’existence d’une résistance clandestine.

A Raqqa, les actions de désobéissances ont lieu le plus souvent la nuit, comme les images le montrent : des hommes profitent en effet de l’obscurité pour taguer des murs ou coller des affiches vraisemblablement hostiles à l’EI. En pleine journée, ces activistes filment aussi la vie sur place grâce à des caméras cachées.

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Simulacres d’exécutions

On peut ainsi avoir un aperçu de la situation sur place : longues files d’attente pour recevoir de la nourriture, bombardements récurrents et exécutions régulières sont le lot quasiment quotidien de cette ville du nord de la Syrie. Les activistes ont aussi pu permettre la diffusion d’images des camps pour enfants dans lequel Daech forme la génération future. On peut notamment y voir des simulacres d’exécution au pistolet ou un enfant décapitant une peluche.

Ces actes de résistance ont malheureusement un coût : Skynews révèle que plusieurs activistes ont déjà été capturés et tués. Même en Turquie, deux des principaux membres de l’organisation ont été abattu par Daech.

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JDD

Libye: cinq ans après, de la révolution à Daesh

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Il y a cinq ans, les premières manifestations à Benghazi déclenchaient la révolution libyenne et le début de la guerre contre le colonel Kadhafi. Avec le soutien d’une coalition internationale menée par la France et la Grande-Bretagne, les rebelles libyens faisaient tomber huit mois plus tard le régime. Tout un symbole, son ancien fief, Syrte, est devenu le bastion de l’Etat islamique dans un pays divisé entre deux gouvernements rivaux contrôlés par des milices en guerre. Face à la montée en puissance de l’EI, l’ONU tente d’imposer un gouvernement d’union nationale et l’hypothèse d’une nouvelle intervention occidentale en Libye est de plus en plus souvent évoquée.

Profitant du chaos politique et militaire, l’expansion de l’EI est allée très vite en Libye. Tout commence à l’été 2014 lorsque des jihadistes libyens de l’EI en Syrie reçoivent l’ordre de dissoudre leur brigade et de rentrer au pays. Très expérimentés ces vétérans du jihad au Levant s’installent d’abord à l’Est du pays. A Derna, ils fondent un premier embryon qui prête allégeance à Abou Bakr al-Bagdadi et qui devient en novembre 2014, la filiale officielle du groupe irakien. Au bout d’un an le groupe est chassé de la ville par d’autres jihadistes pro al-Qaida à l’été 2015, mais l’EI s’est déjà trouvé un autre fief, plus à l’ouest, dans la ville de Syrte, dont il revendique le contrôle dès février 2015.

Le groupe EI aux portes de l’Europe

De Syrte, le groupe s’étend sur plus de 300 km de côtes jusqu’à la ville de Ben Jawad. La charia la plus stricte y est désormais appliquée : exécutions, amputations, décapitations et même crucifixions en place publique. Syrte, est une ville portuaire. L’EI menace donc directement l’Europe.

Résultat du côté de l’armée française, des voix s’élèvent pour une nouvelle intervention comme celle du général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire auprès de l’ONU : « L’EI veut provoquer trois effets en se déployant en Libye. D’abord récupérer du pétrole. Ensuite trouver un nouveau sanctuaire. Car l’EI aura perdu son sanctuaire quand Mossoul et Raqqa seront tombées. Enfin, l’EI veut être aux portes de l’Europe. L’organisation est à 350 km des côtes italiennes. Ils l’ont déjà montré en images en égorgeant une vingtaine de chrétiens sur leur plage et en disant ‘Regardez, nous arrivons vers vous, vers Rome’. Donc il faut une vision globale. Vaincre Daech ce n’est pas seulement la Syrie et l’Irak mais c’est aussi l’empêcher de s’installer en Libye ».

La nécessité de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale

Plusieurs pays sont prêts à frapper de nouveau en Libye. La France hésite, mais l’Italie est favorable à une intervention. Les Etats-Unis mènent déjà des frappes ciblées et le Pentagone « étudie toutes les options possibles » et fin janvier, l’Otan se disait « prête à apporter un soutien ». Mais pour qu’une intervention occidentale soit validée, encore faut-il qu’une autorité libyenne reconnue en fasse la demande. C’est tout l’objet des négociations menées sous l’égide de l’ONU pour faire accepter un gouvernement d’union nationale aux parties libyennes.

Pour le moment, les deux gouvernements rivaux de Tobrouk et de Tripoli le rejettent. Un blocage politique en Libye que regrette le général Dominique Trinquand : « Les deux gouvernements libyens doivent n’en former plus qu’un seul. Et pour faire à partir de deux gouvernements, un seul, il s’agit qu’ils s’entendent pour former enfin un gouvernement d’union nationale en Libye. J’avoue que la pression n’est pas seulement sur les Libyens mais la pression est sur nous. Plus on met de temps à régler ce problème, plus on met de temps à prendre en compte la menace de Daesh en Libye et donc c’est nous qui devons presser les Libyens de façon à rapidement trouver un accord pour pouvoir leur venir en aide ».

Un enjeu de taille : le pétrole

Pendant ces discussions, le groupe EI progresse. Depuis janvier l’EI tente de mettre la main sur la manne pétrolière en Libye. Son offensive sur le croissant pétrolier a pour le moment échoué, mais selon Jean-Pierre Favenec, spécialiste de l’énergie et professeur à Sciences Po, en Libye l’EI pourrait s’emparer de certains gisements et extraire du pétrole, comme en Syrie et en Irak : « Il y a toujours moyen d’exploiter de manière simple des champs pétroliers et de mettre en place des installations rudimentaires de raffinage qui permettront de produire en particulier du gazole qui est un produit très facile à obtenir par distillation et dont l’Etat islamique a surtout besoin. Donc il y a cette possibilité et elle a d’ailleurs été utilisée en Irak en Syrie. Mais si l’EI arrive à mettre la main sur des réserves de pétrole et arrive à en produire un peu, il en gardera sans doute une partie pour faire son gazole, le reste sera expédié en fraude peut-être par différents pays voisins mais avec un prix divisé par deux par rapport à celui du marché, donc la valeur de se pétrole sera limitée pour l’Etat islamique ».

Syrte, devenue le sanctuaire jihadiste

En un an, Syrte est devenu un pôle d’attraction régional de combattants étrangers. 5 000 jihadistes selon les Etats-Unis, 3 000 selon la France et l’ONU dont 1 000 à 1 500 Tunisiens, et de plus en plus de Subsahariens : des Soudanais, des Ghanéens mais aussi de plus de plus de Sénégalais. Des combattants étrangers qui ne cachent pas leurs intentions de mener des attaques dans leurs pays d’origines.

RFI

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